Mon rendez-vous avec Manon n’était pas à l’aurore, c’est en milieu d’une matinée hivernale que je pénètre dans son atelier… Quelle chaleur douce et délectable ! Je quitte écharpe et manteau…

Manon s’affaire depuis quelques heures déjà. Le four est alimenté en bois, j’entends le feu crépiter dans son foyer. J’inspecte les lieux, mes yeux se posent sur les bacs blancs de fermentation près du four où pousse la pâte… J’apprends que cette 1^eropération s’appelle pointage…

Manon est boulangère, elle a choisi ce métier qu’elle a appris au CFA de Saint-Benoît.

Elle a quelques années d’expérience et je vais très vite m’en rendre compte.

Le four n’a pas atteint sa température idéale, mais déjà j’enlève mon pull-over, la chaleur est légère et encore étonnamment supportable.

Comme si une cloche avait sonné le départ, Manon se met au travail ! Prêt…partez !

 

Elle transvase un bac rempli de pâte levée qui s’étale comme une méduse dans le pétrin en bois massif… elle découpe une portion de pâte… farine le pétrin (fleurer)… pèse la pâte sélectionnée… forme un pâton… farine le tapis en tissu dit de fermentation… place son pâton et recommence l’opération. 

Le tapis de fermentation est maintenant complet, les pâtons bien disposés, la plaque entière est entreposée dans l’armoire en bois de pousse. Ouf ! 1mn30 chrono… résultat... 2 photos seulement…mal cadrées … et floues…et une fine pellicule de farine recouvre mon objectif. 

Hop! la grigne!

La chaleur est plutôt accablante, presque caniculaire, l’indécence m’interdit d’enlever une couche de vêtement supplémentaire.

J’ai compris… je déboutonne le haut de ma chemise et je règle mon appareil photographique sur rafale...

 

 

Le pépin, le pébroque, le riflard…

"Un parapluie ouvert est un beau ciel fermé" 

On a souvent entendu dire qu’ouvrir un parapluie à l’intérieur portait malheur ! Sans doute dans le but de dissuader l’ouverture d’un parapluie à l’intérieur d’une maison de peur de provoquer des dégâts sur le mobilier environnant ou bien éborgner les personnes présentes ce jour-là.

 

https://www.parapluie-artisanal.com/

Chez la famille FRANCOIS c’est tout à fait le contraire, on encourage les clients à ouvrir le parapluie dans le magasin afin d’admirer cet objet magnifique créé ici dans l’atelier.

 

Cet ustensile que l’on peut qualifier d’usuel, ordinaire, commun, le parapluie de cette entreprise vient embellir par sa beauté, son esthétisme, son raffinement un jour de pluie.

Il pleuvait fort sur la grand-route
Elle cheminait sans parapluie
J'en avais un, volé, sans doute
Le matin même à un ami
Courant alors à sa rescousse
Je lui propose un peu d'abri
En séchant l'eau de sa frimousse
D'un air très doux, elle m'a dit "oui"

 

Georges Brassens… « Le parapluie »

Prise de vue le 28 février 2020

 

Mathieu est paysan, c’est comme cela qu’il se définit. Il rajoute, « créateur de vie » comme une évidence, sans provocation ni défi.  Il me précède pour visiter les lieux. Son domaine me parait grand, bien trop grand à travailler pour un homme seul. La majorité du terrain est sous abri. Les tunnels et les serres forment des grands parapluies sous lesquels je reconnais avec un peu d’hésitation, les plants de fèves, les laitues, les épinards…

Je fais attention où je mets les pieds et je virevolte entre les semis tout en écoutant parler ce maraicher amoureux du vivant.

Au fil de la visite, il me dévoile ses préoccupations du moment où tous problèmes semblent avoir une solution résolue par la nature elle même.  Il me brandit une pousse envahie par une colonie de pucerons agglutinés sur le haut de sa tige. « Cela sera le repas pour les futures coccinelles » 

En attendant l’arrivée du coléoptère, il pulvérise sur ses plantes du savon noir liquide dilué avec de l’eau afin de protéger sa récolte.

Nous avons évoqué les tâches très diversifiées de son métier, l’adaptation aux injonctions de cette profession qui demande des qualifications multiples. En plus d’être agriculteur il se revendique mécanicien, menuisier, soudeur et autres fonctions si nécessaire. « Ce n’est pas une contrainte, c’est une richesse… apprendre devient un plaisir »

 

Tout en buvant ses paroles, j’observe cet homme qui utilise chaque minute de son temps à « flatter » ses plantes. Il consulte, il examine, il caresse, il vérifie, il coupe, il admire, il pince, il respire et goûte les végétaux qui peuplent son domaine.

 

Pendant ce circuit de découverte effectué sous ces serres, j’ai l’impression d’assister à un voyage initiatique symbolique. J’ai acquis des connaissances sur la nature qui nous entoure, j’ai appris sur le monde de ce jeune paysan rayonnant de jubilation et d’intelligence dans son activité et j’ai aussi découvert de nouvelles perspectives et de nouvelles façons de voir la vie. 

https://fermebio86.com/a-propos/

 "Ferme Bio 86 est une Ferme située à Mignaloux-Beauvoir qui cultive la terre en agriculture biologique dans le respect des composantes environnementales et sociales. Nous produisons des fruits, des légumes, des céréales et des plantes aromatiques et médicinales. Une quarantaine de variété de légumes et une dizaine de variétés de fruits sont proposées selon les saisons, essentiellement sous forme de vente directe à la Ferme (formules paniers et vente au détail).

                    Au-delà de la satisfaction de proposer de la nourriture saine, nous sommes fier d’œuvrer pour la préservation d’espaces de biodiversité"

 

 

 

 

 

C’est une musique apaisante qui m’accueille, suffisamment discrète pour laisser la place aux paroles de bienvenues des occupantes des lieux. Quelques coups de marteau sonnent dans la pièce encore quelques secondes pour marteler l’aspect prioritaire donné au travail.

Cécile et Marie sont à l’œuvre déjà depuis quelques heures, mais elles savent recevoir, prendre du temps pour les gens de passage, ce temps qu’elles maîtrisent et sont fières de contrôler à leur guise pour affirmer leur indépendance.

Autour d’un café et d’une galette la conversation s’oriente très vite sur leur motivation et leur enthousiasme d’avoir choisi ce métier de tapissier décorateur.

Cécile vient du milieu médico-social et Marie s’est orientée très tôt vers cette discipline et cet art. « J’aime ce travail, j’ai eu la chance de découvrir très tôt ce qui est devenu ma passion et ma profession ! »

La passion en effet se distingue et se constate à la vue des différents ouvrages que je découvre enfin. Je suis subjugué par ce travail, conquis par la précision des gestes de ces travailleuses, étonné par la diversité des travaux proposés ; voilages, literie, tentures murales, sièges, tapis…  

 Mes prises de vue photographique vont-elles être à la hauteur de tant d’expérience et de compétence de ces femmes ? Je me mets au travail…

 

Je suis très honoré quand Marie exécute devant moi une tâche dont elle est fière de me démontrer l’efficacité.

« J’utilise cette méthode ancestrale que mon maître monsieur Berger m’a enseigné. Ce savoir faire est très utile pour planter des clous dans mon ouvrage et tendre en même temps le textile que je dois fixer sur ce siège» 

À ma plus grande surprise, je la vois enfouir dans sa bouche une poignée de petits clous appelés « Semences » puis à l’aide d’un marteau à panne aimantée venir chercher la tête plate du clou conservée dans la bouche.

 « J’utilise cette technique pour libérer une main. Ainsi, j’ai une main qui tient le marteau, celui-ci me servira à enfoncer le clou, de l’autre je maintiens le textile tendu » me bafouille-t-elle la bouche encombrée de clous !

 

https://www.maisonberger-poitiers.fr/

 

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Monsieur Paul Taillefer est Bijoutier-joaillier cela se remarque du premier coup d’œil… Il m’accueille équipé de sa loupe dressée sur son front. 

Cet artisan affiche son autorité professionnelle, il est le maître des lieux, communicatif, il engage très vite la conversation…

«  Je vais bientôt prendre ma retraite et je cherche un repreneur, un jeune de préférence, je ne vends pas cher mon fonds de commerce et je suis prêt à l’accompagner quelques mois pour lui mettre le pied à l’étriller ! » Tout un programme généreux pour passer les rênes. 

Je sens dans ces propos une certaine tristesse, je perçois chez cet homme la désolation, la consternation de ne pas susciter une vocation et de devoir laisser mourir son métier à petit feu…

« Des jeunes gens, hommes et des femmes sont venus visiter mon atelier, mais n’ont pas donné suite, c’est navrant ! »    

Je suis captivé par cet endroit façonné par les années de travail et de labeur quotidien. Toute chose est à sa place et chaque place a une chose. Je pénètre et me fonds difficilement dans ce décor armé de mon appareil photo. Une nouvelle aventure débute… 

Je vous livre ma première découverte…

L’artisan bijoutier/joaillier façonne des métaux rares, comme l’or, le platine, l’argent, souvent agrémenté de pierres précieuses. Il est donc tenu d’éviter d’égarer cette matière inestimable lors des différents façonnages. 

L’artisan a donc placé une sorte de « sac à crottin » de son invention en cuir souple sous son établi afin de récupérer les déchets, les limailles d’or et surtout les objets précieux malencontreusement échappés.

Paul Taillefer Bijoutier-joaillier

82 Rue de la Cathédrale, 86000 Poitiers 

 

C’est assez coutumier pour un photographe de dévoiler l’intimité de l’atelier d’un artisan,  de divulguer son espace de création, de faire découvrir ses outils finement choisis ou parfois façonnés suivant ses besoins techniques inhérents à son travail.

Le luthier utilise pour ses gestes quotidiens des outils adaptés pour fraiser, marteler, fendre, aléser, débosseler, ébavurer…

On n’a pas besoin de chercher très longtemps pour répertorier le marteau, la râpe, la cisaille du cordonnier.

Quant au tapissier il faut avoir de bons yeux pour découvrir ses aiguilles, ses carrelets et ses houseaux…

Plus ou moins photographiés intentionnellement les outils du graveur sur bois jonchent son établi. On peut distinguer les différents outils de sculpture, couteaux, burins, gouges, ciseaux …

 

Tous ces outils, cet étalage d’instruments nécessaire à la main, plantent le décor, donnent l’atmosphère et imposent au visiteur que je suis de respecter ce lieu, me place en situation de spectateur voire d’envahisseur de cet espace privé et intime.